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Tai Chi 27/06/2022

Taichi et posturologie

Le tai chi chuan est souvent comparé au yoga, parce qu'il est source de nombreux bienfaits sur la santé. Le relâchement, la coordination du souffle, la recherche de fluidité, une forme de méditation en action sont autant de points communs.

Une certaine mystique aussi entoure les deux disciplines. Toutefois, c'est dans un esprit cartésien que je souhaite aborder le sujet des bénéfices du tai chi chuan. En effet, Extraordinaire n'est pas Magie, puisque l'enseignement de techniques précises permet d'atteindre certains effets physiques, de performance, et psychiques, de détente et d'amélioration des processus cognitifs.

Le taichi n'a pas encore atteint le degré de démocratisation du yoga. En effet, la relation entre les causes et les effets dans la pratique du taichi a fait l'objet de moins d'études scientifiques, ce qui explique que l'on trouve des explications assez généralistes et vagues de ses bienfaits.

Pourtant, le maître taichi rejoint vite l'ostéopathe dans son observation des liens de cause à effet : l'enseignement tai chi chuan porte une attention toute particulière à la posture du pratiquant, qui est en soi la première porte de la santé.

Dans le Traité de posturologie clinique et thérapeutique, du Dr Gérard Vallier, les analogies avec le taichi sautent aux yeux aussitôt :


La posturologie est l'art de rééquilibrer les grands aplombs de l'être humain.
Le but d'un traitement postural est de réduire l'asynchronisme des capteurs posturaux à l'origine du déséquilibre postural afin d'induire une posture plus économique et un schéma moteur optimisé.

La posturologie est l'étude de l'organisation géométrique et biomécanique des différents segments du corps dans l'espace. Elle étudie les processus de régulation qui permettent la stabilisation d'un individu dans un environnement au cours de la station debout et du mouvement.

 

Aussi, partons du point de vue de la posturologie pour décrire les nombreux bienfaits du tai chi chuan, qui rappelons-le est un art martial chinois.

La traité de posturologie décrit la finalité du système central de posture et ce faisant, il fait parfaitement écho à la finalité martiale du tai chi chuan :


Assurer l'équilibre ; procurer une base solide à l'action ; élaborer des représentations spatiales pour nous situer dans l'environnement.
La pratique des arts martiaux comprend ces 3 piliers que sont la recherche d'équilibre, l'encrage au sol et l’acuité à l'environnement (l'adversaire étant une des composantes du milieu externe).

 

L'alignement du corps dans le polygone de sustentation


 
L'élève taichi apprend à placer son corps dans ce qu'un posturologue appellera le polygone de sustentation : le centre de gravité du corps doit se trouver au centre de ce polygone, la position de la tête est essentielle (s'y trouvent les télérécepteurs qui renseignent sur le milieu extérieur) pour que le corps respecte l'alignement vertical.

 

Les capteurs posturaux sont situés au niveau des yeux, de la colonne vertébrale, de l'oreille interne, des pieds et de l'articulation de la mâchoire et au niveau de la peau.

 

Cela justifie les conseils des maîtres taichi concernant l'orientation du regard, les appuis plantaires, l'alignement cervical, celui des articulations majeures (image du fil à plomb), le relâchement des épaules, mâchoires et articulations en général.

 

L'équilibre dans le mouvement
 


On comprend aussi que la constante mobilité du corps, recherchée dans la fluidité des enchaînements taichi, poursuit un objectif qui n'est pas seulement martial. Je site ici le Dr Vallier :

Pour conserver la verticalité, l'homme doit continuellement adapter son corps à son environnement en fonction des signaux extérieurs reçus par les différents capteurs sensoriels... L'homme debout n'est jamais en équilibre, il se stabilise grâce au système postural d'aplomb, c'est à dire le système de contrôle de la posture.

 

Même au sein des postures qui semblent statiques, le pratiquant tai chi chuan aguerri n'est pas un corps à l'arrêt, car le souffle coordonné à l'alternance de relâchements-contractions crée un mouvement perpétuel.

 

La santé des articulations


 
Le mouvement est nécessaire au maintien de l'intégrité des articulations, il émet un liquide nutritif nécessaire à l'articulation pour qu'elle conserve ses propriétés et ne se détériore pas.

 

Toutefois, et c'est tout le sens des corrections posturales qu'apporte le maître taichi à son élève, les mouvements doivent respecter les limites ligamento-articulaires.

C'est le rôle du frein musculo-ligamentaire qui entoure chaque articulation que de protéger celle-ci en limitant les mouvements extrêmes. D'où ce travail d'encrage que l'on retrouve dans le tai chi chuan et plus généralement dans le kungfu, pour renforcer musculairement les membres inférieurs et prévenir ainsi les lésions mécaniques de type entorse.


Et l'on sait que le travail de musculation exécuté avec lenteur est propice au renforcement des muscles profonds. On comprend alors le double intérêt des mouvements relativement lents du taichi, ils ne visent pas seulement l'acquisition d'habiletés fines mais aussi un objectif de renforcement musculaire fonctionnel, garant de l'intégrité physique du pratiquant.

 

Le souffle au service des muscles


 
Le corps oscille en permanence autour de son centre de gravité, ces oscillations sont une nécessité physiologique car aucun muscle ne pourrait supporter une immobilité complète. Les fibres ont besoin en permanence de périodes de relaxation et de contraction pour éviter l'apparition de contracture.

 

Le travail et la coordination du souffle, dans le taichi comme dans le yoga, accompagnent et optimisent les contractions visibles de la région thoracique et celles plus fines des muscles et organes internes. Les muscles sont mieux oxygénés, gagnent en force et en flexibilité, résistent mieux aux traumatismes.

 

Cet article se concentre sur l'aspect santé de la pratique mais on entrevoit aisément les bénéfices de la pratique du taichi dans le renforcement des capacités sportives aussi bien que martiales.

 

Renforcement de la proprioception


 
Le taichi sollicite en particulier : en position statique, les capteurs podaux (pieds) qui ajustent la posture en contrôlant les oscillations infimes du corps et en préparant le corps à l'action suivante ; en dynamique, les informations du vestibule, de l’œil et de la colonne cervicale pour guider les mouvements.

 

Le système postural utilise des schémas préprogrammés. La répétition de séquences de mouvements permet de créer de nouvelles habiletés du corps dans l'espace, c'est une des clefs de l'apprentissage dans de nombreux domaines, qu'ils soient artistiques, sportifs (voir le ki surf coaching) ou martiaux. Les exercices de base, répétés à chaque séance de taichi, sont une des clefs du renforcement de la proprioception.

 

Le calme au service de l'équilibre


 
La posturologie nous apprend que le système limbique (facteur émotionnel) intervient également dans la régulation posturale.

On mesure alors le double intérêt du taichi : sa méthode de travail repose sur des mouvements calmes et relâchés qui ont une influence bénéfique sur la psyché du pratiquant. En l'obligeant à mesurer ses mouvements, à respirer calmement, à ne pas se précipiter, le taichi crée une routine qui agit comme un anti-stress et un régulateur d'émotions. Les deux équilibres, celui du corps et celui de l'esprit, se renforcent alors mutuellement.

 

Bien sûr, le corps n'est pas qu'une mécanique bien huilée et le tai chi chuan ne saurait se résumer à cette simple approche posturale. Néanmoins, elle permet de comprendre l'attention particulière que porte le taichi à la rigueur posturale et au mouvement. Et aussi de démystifier une pratique riche et complexe, investie trop souvent par des maîtres atteints de gourounite aigüe.

 

Ici, un lien vers des croquis explicatifs qui éclairent la pratique du tai chi chuan.

 

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