Champion, où vas-tu ?

Les coachs sportifs vous diront rarement qu'ils exècrent certains comportements suscités par la pratique compétitive de leur sport, comportement des parents, des athlètes en devenir et sportifs accomplis. Pourtant certains d'entre eux souffrent en silence en observant cette forme de perversion de l'idéal sportif.

Ainsi, les apprentis surfeurs en séance d'entraînement transforment souvent le spot de surf en champ de bataille, pour le plus grand mécontentement des surfeurs amateurs qui ne prennent plus une seule vague au milieu de surfeurs utraperformants et complètement enragés. Un coach avec son trépied, assis sur la plage, donne une indication sur l'ambiance au pic : une dizaine de surfeurs aspirants à la compétition sont probablement en train de se jeter sur tout ce qui bouge, en ne laissant guère que des miettes aux autres usagers du spot.

Bien sûr, la compétition pousse à l'excellence. Mais elle génère aussi des comportements inappropriés dans une société dite civilisée. Même dans les sports de combat, ils existe des règles et les pratiquant de MMA se serrent la main après s'être étrillés sur le ring.

Ces observations n'engagent que moi, puisqu'un fervent défenseur de la gagne à tout prix ne s'offusquera pas du comportement odieux d'un athlète si ce dernier est validé par un bon résultat.

Certains champions de surf dégagent talent et humilité tandis que d'autres se comporteront toute leur vie comme des adolescents : arrogance, triche, mauvaise foi, stratégies mesquines pour disqualifier l'adversaire, refus de l'échec, insultes aux juges.

Dans le sport, il est normal d'admirer les meilleurs athlètes, les champions nous rendent plus humbles en poussant la barre très haut, les surfeurs ont tous un professionnel qui les inspire plus que les autres.

Je n'ai pas le culte du champion et j'ai néanmoins mes surfeurs préférés, ceux dont j'admire la technique et l'humilité. En compétition, ce ne sont pas des tendres, mais ils semblent s'amuser, prendre du plaisir tandis que d'autres incarnent tout ce que la compétition peut susciter de négatif : arrogance, triche, agressivité, refus de la défaite, déclarations immatûres, tactiques de footballers pour disqualifier l'adversaire auprès des juges et autres excès justifiés par l'envie de gagner.

Tant que, lors d'une compétition, le surfeur reste dans les limites imposées par la règle du jeu, mon point de vue ne doit rien enlever au mérite de ces surfeurs qui, chacun avec son style, se battent pour rester au sommet. Par contre, lorsque ces derniers s'entraînent au milieu d'autres surfeurs et leur pourrissent la séance de surf en les mettant malgré eux en situation de compétition, je suis moins enthousiaste.

Fight yourselfe

Les médias spécialisés présentent deux facettes du surf, le free surf et le surf compétitif. Soulignons que les free surfeurs de renom ont tous été compétiteurs, il serait donc absurde de penser que la compétition ne pousse pas vers l'excellence. Et un peu simpliste, au surfeur engagé dans la compétition, d'opposer la figure du free surfeur.

Toutefois, je vois dans cette opposition une vérité inhérente au surf : si la compétition est un dépassement de soi, le surf a cela de singulier qu'il offre à n'importe quel pratiquant la possibilité de se dépasser sans avoir forcément besoin d'affronter un adversaire en dehors de soi. En effet, si l'on peut définir l'adversaire sportif comme un partenaire qui aide à se dépasser, l'océan est cet adversaire ultime et premier. Et c'est en cela que le surfeur est son propre champion, phrase un peu racoleuse certes, mais qui peut s'appliquer à de nombreux sports de nature. Le surfeur dépasse ses propres limites et pour les mesurer, il n'est pas nécessaire qu'il aille se confronter aux autres.

Quel surfeur ne s'est pas jeté à l'eau, incertain de ses chances de réussite, face aux dangers d'une mise à l'eau, de courants violents, de lèvres assassines et n'a pas repoussé ses limites, en dehors de la foule, loin des speakers et des spectateurs ?

Dans une société qui nous pousse à la surenchère, à la guerre contre des concurrents imaginaires, n'est-il pas merveilleux de pouvoir s'accomplir, sportivement et humainement, grâce au surf, sans avoir besoin de courir les compétitions ? Là est pour moi toute la magie de ce sport, qui offre la possibilité de se dépasser soi-même en dehors des autres.